05.02.11

Publié le par Stern

 

Mes doigts flottent quelques infimes millimètres au-dessus des touches. Je regarde la page blanche, le cadre gris de la future prison de mes mots. Comme au dessin-animé, il n'y a pas de hors-champs. Tout se passe ici, entre ces quatre lignes grises, dans un format tellement habituel que personne n'y prête attention.

 

Format A4, fichier « Sans nom 3.doc », créé le samedi 5 février 2011 à 8h11.

 

Que se passe t-il au delà de ces symboles? Au delà de ces lignes grises, impersonnelles, rigides. C'est pour moi la conception du syndrome de la page blanche. La certitude qu'une fois les mots jetés dans la cage aux lions, ils devront survivre seuls, aux dépends des autres. Combien de ces mots en sortiront vainqueurs? Combien s'allieront? Combien formeront une phrase? Combien un paragraphe? Combien une histoire? Combien seront effacés au fil des corrections?

Chaque lettre posée sans délicatesse sur la surface blanche, chaque lettre posée puis effacée aussitôt. Peut-être que pour être un bon auteur faut-il faire attention à l'assassinat de ses mots? Les créer dans son cerveau, assembler les lettres, une phrase, un sens, une poésie, un rythme, les jeter en pâture qu'une fois matures et prêts au combat.

Je devrais créer un cimetière de mots : les mots que je n'utilise jamais, les mots que je supprime toujours, les mots que je supprime souvent, les lettres refusées au casting pour un exercice de style. Qu'ont-ils fait les pauvres pour ne pas avoir le droit d'apparaitre?

Je pense : l'écriture est arbitraire. L'écriture est un duel de gladiateurs. L'écriture est un sport de combat. Nos doigts sont aussi entrainés à former les lettres qu'à les barrer, les supprimer, les effacer, les déchirer. Combien d'outils il y a t-il pour effacer ces alliés et combien pour les créer? Nous devrions faire attention à cela. Oups, voilà un « j » de perdu! Pauvre « j », tu t'es glissé entre le « e » et le « n » de mon « attention », tu n'avais rien à faire là, tu voulais seulement sortir, partir à l'aventure de mon cerveau et mes doigts en gardien fidèles et obéissants t'ont tout de suite exclu.

 

RIP « j », tu aurais pu me servir, pourtant.

Publié dans Journal d'un roman

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Commenter cet article
L
<br /> <br /> Intéressant l'idée du cimetière de mots, ça peut être très pratique!<br /> <br /> <br /> J'aime bien le ton du texte, très agréable à lire. En plus on se reconnaît dedans :)<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci! :) Peut-être que j'essayerais quelque chose avec ce concept de cimetière de mots. A voir comment je pourrais mettre ça en oeuvre.<br /> <br /> <br /> <br />